Karnak

Le grand temple d'Amon (1/3)

 

Karnak, 4000 ans d'éternité (video 3D)

Introduction

« J’allai enfin au palais ou plutôt à la ville de monuments, à Karnac. Là m’apparut toute la magnificence pharaonique, tout ce que les hommes ont imaginé et exécuté de plus grand. Tout ce que j’avais vu à Thèbes, tout ce que j’avais admiré avec enthousiasme sur la rive gauche, me parut misérable en comparaison des conceptions gigantesques dont j’étais entouré... Il suffira d’ajouter, pour en finir, que nous ne sommes en Europe que des Lilliputiens et qu’aucun peuple ancien ni moderne n’a conçu l’art de l’architecture sur une échelle aussi sublime, aussi large, aussi grandiose, que le firent les vieux Égyptiens ; ils concevaient en homme de cent pieds de haut, et nous en avons tout au plus cinq pieds huit pouces. L’imagination qui, en Europe, s’élance bien au-dessus de nos portiques, s’arrête et tombe impuissante au pied des cent quarante colonnes de la salle hypostyle de Karnac. »

Jean-François Champollion (1829)

 

Le mot Karnak vient de l'arabe al-Karnak, expression signifiant "le village fortifié".

Dans l'antiquité, ce site s'appelait Ipet Sout, qui peut se traduire par "La Place très vénérée".

Ce plus grand complexe religieux de l'Égypte ancienne (123 hectares) comprend l'enceinte du dieu faucon Montou au nord, celle d'Amon-Rê, au centre, et celle de la déesse Mout, son épouse, au sud.

L'axe principal du temple d'Amon, perpendiculaire au fleuve, relie le Saint des Saints, à l'est, au Nil, à l'ouest. L'axe secondaire nord-sud, dit axe royal, conduit au complexe sacré de la déesse Mout. Orienté selon ces deux axes orthogonaux, le site de Karnak reflète la conception fondamentale que les Égyptiens se faisaient de l'ordre du monde. L'axe nord-sud est une axe terrestre qui correspond au cours du Nil, et l'axe est-ouest un axe céleste qui répond à la course quotidienne du soleil, second principe vivificateur de la terre d'Égypte.

Le site connaîtra son véritable âge d'or au Nouvel Empire. Les pharaons exprimeront leur dévotion au dieu principal en y apportant d'importantes quantités de richesses en provenance des territoires sur lesquels l'Égypte étendait son influence. Ils contribueront à l'embellissement de Karnak qui deviendra le plus grandiose complexe religieux de l'antiquité.

La puissance du clergé d'Amon, considérable, transformera ce pouvoir en un État dans l'État. Les grands-prêtres d'Amon garderont longtemps une influence prépondérante sur la monarchie pharaonique. Thèbes restera le coeur spirituel de l'Égypte quand elle perdra son statut de capitale dynastique. Ce n'est qu'en 391 de notre ère, qu'un décret de Théodose, entraînera la fermeture des derniers sanctuaires qui seront dépecés.

Karnak sera redécouvert par le capitaine Norden et le révérend Poclocke au début du XVIIIème siècle, avant que l'expédition de Bonaparte en fasse l'inventaire. Le complexe archéologique deviendra une carrière sous Mehemet Ali. Auguste Mariette commencera le dégagement des temples en 1858, à la tête du Service des Antiquités égyptiennes et à la demande du khédive Ismâel Pacha.

Histoire du temple

 

 

 

Plan du site archéologique de Karnak Plan du temple d'Amon

 

Débarcadère

Un débarcadère mettait le temple en liaison avec le Nil au moyen d’un canal, aujourd’hui comblé ; il était utilisé lors de la fête d’Opet.

Une plate-forme en forme de T a donc été construite afin de permettre l'accostage de la grande barque d'Amon. Le débarcadère est une terrasse en grès ornée de deux petits obélisques de Séthi II dont il n'en reste plus qu'un seul aujourd'hui. Au sud du débarcadère, deux rampes d'accès datant de Taharqa servaient au halage et au débarquement des barques.

Dromos

Les entrées principales du temple sont annoncées par un dromos monumental, bordé de part et d'autre de sphinx. Celle de l'ouest est précédée d'une allée majestueuse constituée de vingt sphinx à tête de bélier (criocéphales) protégeant l'entrée du temple.

Ces gardiens, représentés sous l'une des formes d'Amon, portent les noms de Ramsès II et de Pinedjem, mais datent probablement d'Aménophis III. Chacune de ces statues tient entre ses pattes, en signe de protection, une statuette du pharaon.

Cette allée devait se prolonger jusque dans la salle hypostyle avant l’élévation du premier pylône.

 

Sphinx à tête de bélier à cornes retournées (criocéphales).

Premier pylône

Le premier pylône.

C'est le plus imposant des monuments jamais bâtis à Karnak : long de 113 m et large de 15 m, le Ier pylône s'élevait probablement à 40 m de hauteur. Il est resté inachevé et ne porte aucune décoration sur ses parois qui n'ont jamais été ravalées.

Cette construction, de période tardive, a été datée de la XXXe dynastie (Nectanebo Ier).

Sa façade principale est ornée de huit niches, qui accueillaient des mâts à oriflammes aux couleurs des dieux de Karnak.

Les deux môles de grès du pylône symbolisaient chacun une des chaînes montagneuses qui délimitent la vallée fertile, seule partie habitable du pays et qui sont les deux horizons entre lesquels s'accomplissait la course du soleil.

La grande porte, qui a perdu son linteau de granit pesant 400 tonnes porte une inscription dans le passage, en haut et à droite, qui rappelle la visite des troupes bonapartistes en 1799.

Grande cour

La grande cour.

 

La grande cour. Reconstitution RMN.

Vaste espace compris entre le Ier et le IIe pylônes, la grande cour recevait l'assemblée des fidèles lors des grandes fêtes religieuses. Elle abrite également plusieurs édifices intervenant directement dans les processions rituelles de la barque divine d'Amon.

Elle constitue la plus vaste des cours de tous les temples égyptiens avec plus de 8000 m² de surface (103mx 84m) ; elle date de la XXIIe dynastie.

Des parties de l’échafaudage de brique crue ayant servi à la construction du Ier pylône sont encore visibles dans le coin de la cour à droite.

La colonnade de Taharqa s'élève en son centre et marque l'un des quatre coins cardinaux du temple. La colonne de 21 mètres de hauteur est le dernier vestige du kiosque qui comptait 10 piliers papyriformes fasciculés reliés entre eux par des architraves de pierre qui supportaient un simple plancher de bois. Cette ancienne salle hypostyle avait été construite par Taharqa, un pharaon nubien de la dynastie dite « éthiopienne » (XXVème dynastie).

De chaque côté, Chechonq Ier fit également bâtir une colonnade, formant deux portiques latéraux. Chacun d'eux est orné, à ses pieds, d'une série de béliers, vestiges de la partie orientale du dromos supprimé lors de la réalisation de la cour.

Sur la gauche, une porte conduit vers le musée en plein air.

Séthi II et Ramsès III ont entrepris la construction des deux temples reposoirs de barques situés au nord et au sud de la grande cour.

La fête d'Opet

Le dieu Amon, qui résidait dans le temple de Karnak, se rendait une dizaine de jours chaque année au temple de Louxor lors de la fête d'Opet. On plaçait la divinité à l'intérieur d'un naos posé sur une barque, portée par des prêtres, pour effectuer le trajet. Cette procession, la fête religieuse la plus importante à Thèbes à partir de la XVIIIème dynastie, attirait une foule considérable sur les 2,5 kilomètres parcourus. Les dieux Mout et Khonsou seront ensuite également transportés dans des barques sacrées lors de certaines fêtes.

Temple reposoir des barques sacrées de Séthi II (1202-1196 – XIXe dynastie)

Le temple reposoir de Séthi II.

Le triple reliquaire en grès construit sous le règne de Séthi II, situé sur la gauche, servait également d'escale aux barques sacrées de la triade thébaine Amon, Mout et Khonsou.

Sethi II fera construire ce "temple-reposoir" de barques une dizaine d'années après la mort de Ramsès II. Il était destiné aux barques d'Amon (au centre), Mout (à gauche) et Khonsou (à droite), et se trouvait dans une cour non close devant l'entrée du temple principal à cette époque, celle du deuxième pylône construit un siècle plus tôt par le pharaon Horemheb.

Les deux statues porte-enseigne de Séthi II qui se dressaient devant ce temple se trouvent aujourd'hui au Louvre et au musée de Turin.

Temple reposoir de Ramsès III (1186-1154 – XXe dynastie)

Dans le coin droit, partiellement englobé dans la cour, se trouve le temple reposoir de Ramsès III. Les reliefs du fronton de l'édifice montrent le roi dans sa posture de vainqueur devant Amon. Il écrase les ennemis de l'Égypte enchaînés. Ce pylône est flanqué de deux colosses royaux.

Pylône du temple reposoir de Ramsès III.

 

Cour du temple : piliers osiriaques.

D'une longueur de 60 mètres, le bâtiment comprend une cour entourée, sur trois de ses côtés, d'un péristyle orné de statues osiriaques du pharaon, un vestibule soutenu par quatre colonnes, une salle hypostyle à huit colonnes et trois chapelles destinées à recevoir les barques sacrées de la triade thébaine.

Toutes les parois intérieures de la cour sont gravées de reliefs décrivant la procession en l’honneur de Min.

Le deuxième pylône est précédé par deux statues colossales de Ramsès II en granit rose. La statue en pied située à gauche du portail, d'une hauteur de 15 mètres, comporte une petite statue de sa fille et épouse Bentanta (ou Bent-Anath). Elle sera usurpée aux alentours de 1050 avant Jésus-Christ par Pinedjem (XXIème dynastie), l'un des grands prêtres de Thèbes.

Statue colossale de Ramsès II en granit rose.

Une de ses filles, la princesse Bentata, placée entre ses jambes.

 

Deuxième pylône

La construction du IIe pylône a été entreprise par Horemheb (1327-1295 – XVIIIe dynastie), mais achevée par les Ramessides. Ce pylône, long de 98 m et large de 14 à sa base, est très ruiné.

Il contient de nombreux réemplois de monuments d'Akhenaton, que l'on peut apercevoir par des ouvertures qui ont été pratiquées sur la face ouest du môle sud.

La décoration de la porte et du vestibule, très caractéristique de la période ptolémaïque, est due à Ptolémée Évergète II.

 

Karnak (2ème partie)

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